À la rencontre de Jean Moiroud, Président de la Fivape
L'Actu de la vape 21/02/2024 , mis à jour le 21/02/2024 à 10:48 332
Vous vous posez des questions sur l'avenir de la vape en France ? Nous aussi, c'est pourquoi nous avons décidé de les poser à un expert : Jean Moiroud, président de la Fivape !
Aujourd’hui, chez Arômes et Liquides, nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Jean Moiroud, président de la Fivape (Fédération Interprofessionnelle de la Vape) depuis 8 ans et co-fondateur de Fuu, une marque bien connue des vapoteurs français.
Nous avons donc sauté sur cette occasion en or pour lui demander son avis éclairé sur les sujets d’actualité les plus brulants qui entourent la cigarette électronique !
Pour commencer, êtes-vous satisfait des résultats du sondage et de la pétition “Merci la Vape” ?
Oui, oui, je pense qu'on peut vraiment parler d'une mobilisation d'ampleur dans la mesure où on a récolté presque 100 000 signatures. En termes d'équivalence dans l'histoire de la défense des produits de la vape, c'est la pétition qui a rassemblé le plus de signatures.
Ce sont vraiment les vapoteurs qui ont été appelés à signer par le biais des réseaux de distribution spécialisés, que ce soient les boutiques physiques ou la distribution en ligne. Nous nous sommes vraiment focalisés spécifiquement sur les gens qui vapotaient pour avoir leur avis, pour défendre la catégorie de produits dans sa globalité.
En parallèle, nous leur avons aussi posé des questions. Ceux qui le voulaient pouvaient répondre à une enquête statistique plus précise. Et il y a à peu près 80 % des signataires de la pétition qui ont répondu à l'enquête ! C’est un deuxième succès dans l'opération, car nous avons pu collecter de nombreuses réponses à une enquête très précise. Nous avons arrêté volontairement l’enquête au bout 40 000 réponses car nous avions toutes les informations nécessaires pour en tirer des enseignements statistiques. Cela fait de cette enquête le travail de recherche sur les usages de la vape le plus nourri de l’histoire : il n'y a jamais eu une étude sur autant de personnes donc les résultats sont très intéressants.
De grandes tendances se dégagent clairement. On n'avait pas besoin de collecter plus de réponses.
Même si, depuis toutes les années que nous travaillons sur le sujet on se doutait un peu des résultats, le fait de les voir aussi formellement clarifiés et validés par une approche statistique très formelle nous a conforté sur certaines thématiques comme l'importance des arômes dans la démarche d'arrêt du tabac par les produits de la vape. Ainsi, ce sont plus de 85 % des répondants qui déclarent que les arômes ont été un facteur prioritaire qui leur a permis d'aménager la démarche d'arrêt du tabac avec la vape. Et de même, il y a plus de 37 % des répondants qui déclarent être en risque de retourner au tabac si jamais l'arôme qui leur permet de vapoter venait à être interdit.
Ce sont vraiment des arguments qui sont très utiles dans la défense de la vape et notamment de la pluralité des saveurs et qui montrent que pour les gens qui vapent, ils sont le paramètre qui les éloignent du tabac. S'attaquer à cette diversité-là avec dogmatisme, ce n'est pas du tout une mesure qui se met au service de la santé publique.
S'attaquer à [la] diversité [des arômes de la vape] avec dogmatisme, ce n'est pas du tout une mesure qui se met au service de la santé publique.
Du coup, quelle est la prochaine étape pour Merci la Vape ?
Nous avons décidé de maintenir la pétition ouverte jusqu'à atteindre le seuil symbolique des 100 000 signatures, il en manque à peu près 15 000.
L'idée, c'est que nous puissions nous servir de ce palier pour créer une dernière action de communication autour de la pétition, avec pour objectif une communication au moment de la journée mondiale sans tabac. Cela nous permettra de profiter de cet événement qui va attirer potentiellement l'attention des médias pour pouvoir communiquer une dernière fois sur Merci la vape et dire que 100 000 vapoteurs se sont exprimés pour témoigner de leur soutien à cette solution de réduction des risques.
Sur un autre sujet, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui accusent les associations comme la Fivape d’être financées par l'industrie du tabac, d’être un lobby de l'industrie du tabac ?
La Fivape, c'est une fédération qui est assez particulière et qui existe depuis bientôt dix ans.
Cette fédération a deux particularités. La première, c'est d'être interprofessionnelle, donc de rassembler la distribution spécialisée et les fabricants de liquide. C'est peu courant dans l'univers de la représentation syndicale. Même au sein d'un même secteur d'activité, les professions se séparent, notamment la fabrication et la distribution.
La Fivape, elle, arrive à exister avec cette configuration à travers les années, quand bien même il y a des différences de vision entre la fabrication et la distribution. Nous sommes très attachés à cette configuration parce que c'est ce qui nous permet, quand nous interagissons avec les décideurs publics et les agences de santé, de leur dire « Quand vous échangez avec nous, vous échangez avec la globalité d'une filière ». C'est extrêmement précieux parce que cela permet de peser dans les négociations, de ne pas diluer le propos et surtout d'être légitimes sur notre sujet.
L’autre atout de la Fivape, c’est qu’elle est très représentative de son secteur. Elle compte beaucoup d'adhérents, plus de 800 entités, ce qui en fait le syndicat professionnel du secteur de la vape le plus représentatif dans le monde. Les autres syndicats professionnels n'arrivent pas à fédérer autant que la Fivape. C'est à mettre à son crédit.
Ensuite, la deuxième spécificité touche, elle, à la notion d'indépendance vis-à-vis de l'industrie du tabac. Nos adhérents n'ont pas de liens d'intérêts avec l'industrie du tabac. Ce n'est pas qu'une posture morale, c'est aussi un outil de travail car le personnel politique et les décideurs n'aiment pas interagir avec l'industrie du tabac. Cela nous donne, je dirais, un accès privilégié aux centres de pouvoir.
Et enfin, cela fait de l'industrie du tabac un adversaire naturel de notre filière. Depuis toutes ces années, nous observons le comportement de l'industrie du tabac quand elle se prononce sur le vapotage. On note, quand on rentre dans le détail de chaque dossier comme la vente en ligne, la diversité des saveurs, la question des mineurs, que nous n’avons pas du tout les mêmes approches et que nous sommes opposés à l'industrie du tabac.
Pour vous, quelles seraient les mesures ou actions que vous préconiseriez pour empêcher le dénigrement que l'on voit sur la vape actuellement ?
Nous conduisons depuis toutes ces années une action de lobbying, ou plus précisément de plaidoyer. Nous rencontrons le personnel politique, que ce soient des députés et des sénateurs, ou alors des gens dans les cabinets des ministères, le ministère de la Santé par exemple. Nous interagissons également directement avec les ministres ou leurs conseillers. Nous parlons aussi avec toutes agences de santé comme la HAS, le HCSP, Santé publique France ou l'ANSES. Nous avons aussi une attache avec la DGCCRF.
La Fivape est dimensionnée pour interagir avec eux, pour leur apporter des contenus utiles sur le vapotage, leur expliquer comment la filière est constituée, leur rappeler des fondamentaux sur la science et la réduction des risques, etc.
Sur le sujet de la communication et de la façon dont les produits du vapotage sont traités dans l'espace public et médiatique par ceux qui s'expriment dessus, c'est évidemment beaucoup plus dur. C'est beaucoup plus compliqué d’intervenir parce que les moyens à déployer sont énormes et que ce n'est pas forcément la responsabilité d'un syndicat professionnel que d'assurer à la fois le travail qui se fait en coulisse et le travail qui se fait au grand jour. Ça ne veut pas dire que la Fivape n'intervient pas ou qu’elle n’est pas écoutée, et cela ne veut pas dire que l’on ne va pas se muscler sur ce sujet-là !
Mais concrètement, qu’est-ce qui pourrait être fait pour faire cesser ce dénigrement ?
Les émetteurs de message sur le vapotage sont très différents et font un très bon travail de vulgarisation scientifique et publient des contenus très intéressants. La filière est globalement bien mobilisée mais il y a une telle méconnaissance autour des enjeux sanitaires de l'addiction au tabac, de la réalité de l'addiction au tabac que, selon moi, la clé, reste l'information du grand public. Et faire de la pédagogie auprès des médias et du personnel politique.
Il y a quelque chose qu'il faut bien avoir en tête quand on essaye de théoriser ce sujet-là, c'est que le tabac est un facteur d'inégalités sociales. J'entends par là que les gens qui sont décisionnaires, qui sont souvent issus de catégories socioprofessionnelles favorisées ne sont généralement pas fumeurs. Ou en tout cas sont moins fumeurs que dans d'autres catégories socioprofessionnelles qui sont plus défavorisées.
Ils ne partagent pas la destinée et la douleur de l'addiction au tabac, ce qui les rend un peu imperméables au sujet.
[Les décideurs politiques] ne partagent pas la destinée et la douleur de l'addiction au tabac, ce qui les rend un peu imperméables au sujet.
Ils ont tendance à considérer que le fumeur c'est l'autre et qu'il est responsable de son addiction et qu'il lui appartient d'arrêter avec sa propre volonté. Nous, qui sommes immergés dans ce sujet, qui sommes pour notre immense majorité professionnels du secteur d'anciens fumeurs, nous avons une lecture différente de la situation.
Non seulement nous avons vécu en notre sein un arrêt du tabac réussi, puisque cela nous a portés à devenir des promoteurs de ce produit, mais également nous aidons au quotidien les fumeurs pour les sortir du tabac. Nous partageons avec eux cette douleur, cette difficulté. Nous partageons aussi leur succès. C'est ça qui nous donne notre énergie, qui nous donne la flamme.
Ce biais psychologique entre fumeurs, non-fumeurs et ex-fumeurs biaise les données de l'équation et je pense que la clé dans le discours, pour aider à une meilleure circulation de l'information et une meilleure compréhension, c'est d'avoir un discours d'empathie qui explique ce que c'est que l'addition au tabac et qui explique que ce n'est pas une responsabilité individuelle d'être fumeur.
Quand on a une consommation quotidienne de tabac, ce n’est plus de l'ordre de la responsabilité individuelle, ce n’est plus un choix que l’on fait, c'est comme une maladie. De la même manière que quand on est malade, on n'a pas « en soi » toutes les solutions pour se sortir seul de ce mauvais pas.
Il faut aller chercher de l'aide à l'extérieur, pour le tabac, cela va évidemment de l'acupuncture jusqu'aux traitements de substitution nicotinique, qu’ils soient pharmaceutiques comme les gommes à mâcher ou les patchs, mais aussi la vape qui est un produit disruptif, libre, divers et qui a la capacité géniale de s'adapter à tous les profils de consommateurs. Lorsque la vape est portée entre les mains des fumeurs avec les bons conseils et le bon suivi dans le temps, elle a les meilleurs résultats de toutes les approches pour arrêter de fumer.
C'est cela qui, selon moi, est le précieux sésame : apporter une vision humaniste de la conduite addictive pour amener des non-fumeurs qui sont extérieurs au sujet à la traiter avec empathie.
C'est cela qui, selon moi, est le précieux sésame : apporter une vision humaniste de la conduite addictive pour amener des non-fumeurs qui sont extérieurs au sujet à la traiter avec empathie.
Et que la fin (l’arrêt du tabac) justifie les moyens, même si la méthode porte en elle une part de fantaisie.
Qu'est-ce que vous espérez pour la vape en 2024 ? Non pas ce à quoi vous vous attendez, mais qu’est-ce que vous aimeriez qu'il se passe pour la vape en 2024 ?
À la date d'aujourd'hui, début d'année 2024, les enjeux ont pris une tout autre dimension avec la sortie du Plan national de lutte contre le tabac. Il porte un ensemble de mesures comme l’extension du paquet neutre aux produits du vapotage et l’interdiction de certaines catégories d'arômes.
Ce sont les deux objectifs principaux sur lesquels nous devons travailler, nous, professionnels indépendants. Il nous faut freiner la séquence à la fois politique et médiatique qui a maltraité nos produits depuis la fin du dernier trimestre 2023. Nous devons remettre au centre des discussions des arguments de bon sens fondés sur la science et remettre de l’ordre dans les priorités : le tabac, la réduction des risques, des conduites addictives délétères, etc.
Les pouvoirs publics doivent comprendre l’intérêt des produits de la vape et, dans le pire des cas, si ce n'est pas possible d’annuler ces deux mesures dans le PNLT, les aménager pour qu'il y ait le moins de dommages possible dans notre catégorie de produits. Les fumeurs français sont très nombreux et ils ne méritent pas un appauvrissement de la stratégie d'accompagnement vers une vie sans tabac par la vape.
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