L’HCSP déconseille la e-cigarette : un rapport bâclé et des médecins indignés

Début janvier, le dernier rapport du Haut conseil de la Santé Publique (HCSP) était rendu public. Dans les grandes lignes, on pouvait y lire que l’organisme revenait sur un précédent avis en conseillant aux médecins de ne pas recommander la cigarette électronique.

Lorsque la rédaction d’A&L a appris la nouvelle, elle a tout de suite deviné que ces recommandations traduisaient plus une lâcheté politique qu’une réelle conviction scientifique. Elle ne s’était pas trompée puisque, dans le mois qui a suivi, plusieurs tribunes et interviews parues dans des journaux tels que Le Point et Le Monde sont venues discréditer le rapport.

Plus intéressant encore, au lendemain même de sa publication, le président du HCSP et auteur dudit rapport a présenté sa démission. Et, vous pouvez nous croire, les raisons qu’il donne à son départ sont loin de confirmer la fiabilité de son travail.

« Une position purement morale et totalement contre-productive »

Comme souvent lorsqu’une actualité accable le vapotage, le premier à monter au créneau pour prendre sa défense a été le Pr Dautzenberg, bien connu dans le monde de la vape pour ses recherches et prises de position en faveur de la e-cigarette.

Dans cette interview accordée au magazine d’actualité Le Point, le professeur est avant tout consterné de constater que le rapport du HCSP revient à recommander aux médecins de laisser les fumeurs livrés à eux-mêmes. Comme il l’explique à la journaliste, le HCSP reconnait que « des risques identifiés pour la santé, il n’y en a quasiment pas » et que la cigarette électronique peut aider à arrêter de fumer, mais qu’il conseille paradoxalement aux médecins de ne pas la recommander à leurs patients.

Plus loin, il s’attarde également sur la question des vapofumeurs (personnes qui vapotent en continuant à fumer). Tout en confirmant que cette pratique est problématique à long terme, il déplore que le HCSP ne propose aucune solution pour accompagner ces personnes.

    Déconseiller aux médecins de s’occuper d’eux est un frein à la sortie du tabac    

Propos du Pr Dautzenberg —Le Point, interview du 11 janvier 2022

Il en conclut avec ce qui semble être une pointe de découragement que « C’est une position purement morale et totalement contre-productive ».

« Vapoter est une aide précieuse, voire déterminante, pour quitter le tabac »

 « Vapoter est une aide précieuse, voire déterminante, pour quitter le tabac », tel est le titre de la tribune accordée à Bernard Basset (spécialiste en santé publique, président d’Addiction France) et Amine Benyamina (psychiatre, président de la Fédération Française d’Addictologie).

Comme leur confrère, les deux spécialistes y expriment leur incompréhension face à l’obstination du HCSP à refuser de reconnaitre l’utilité d’un outil de réduction des risques déjà largement utilisé par les Français.

    On comprend mal […] pourquoi le HCSP fait preuve de tant d’intransigeance dans l’évaluation d’une balance entre risques graves et mortels du tabagisme et risques encore hypothétiques du vapotage.    

Bernard Basset et Amine Benyamina – Le Monde, Tribune du 27 janvier 2022

Tout en rappelant que la vapote a « trouvé sa place parmi les moyens pour arrêter de fumer » et qu’ « aucune maladie ou mort n’a jusqu’à présent été attribuée à l’usage non détourné de la vapoteuse », ils en concluent ainsi que « Le pragmatisme doit être la seule voie à suivre, loin des idéologies et de la recherche de profits ».

Une opinion que nous en pouvons que partager, mais qu’il est surprenant de lire dans Le Monde. En effet, bien qu’il s’agisse d’une tribune, et que donc l’avis exprimé par les deux spécialistes ne reflète en rien celui-là rédaction du célèbre journal, il faut tout de même rappeler qu’en novembre 2021 il publiait un article « révélant » un supposé complot mondial de la cigarette électronique. 

« J’ai dû me charger moi-même de la revue de littérature, le soir et le week-end ! »

Dernier point, mais pas le moindre, parlons à présent de la démission du Pr François Alla au lendemain de la parution de son rapport sur la cigarette électronique. Dans une interview accordée au journal Le Quotidien du Médecin pour expliquer son départ, il évoque notamment le manque de moyen du HCSP, qui a cruellement impacté le rapport puisqu’il déclare :

    À titre d’exemple, j’ai piloté un avis complexe, relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique, publié en novembre dernier. 6 000 articles sont sortis ces dernières années sur le sujet, j’ai dû me charger moi-même de la revue de littérature, le soir et le week-end !    

Pr François Alla – Le Quotidien du médecin, interview du 24 janvier 2022

Des conditions loin d’être favorables à une étude approfondie et qualitative des preuves en présence, rien d’étonnant donc à ce que ce professeur ait estimé que les « preuves sont insuffisantes pour proposer les SEDEN comme aides au sevrage tabagique ».

Le Pr François Alla évoque également la crise sanitaire durant laquelle les experts du HCSP se sont autocensurés pour ne pas remettre en question les décisions politiques du gouvernement. Si l’on applique cela à la cigarette électronique, cela confirme bien que ce rapport était « plus politique que foncièrement fondé sur une volonté de faire avancer la lutte antitabac » !

Conclusion

Le rapport de l’HCSP a été réalisé sans personnel et sans moyens financiers selon les dires même de son auteur. En résulte un avis qui est loin de répondre aux besoins d’accompagnement des fumeurs et vapoteurs, comme le déplorent de nombreux médecins et spécialistes en santé publique.

Vous en voulez plus ? Nous vous conseillons de lire le très intéressant article de Santé Respiratoire Magazine qui recueille l'opinion d'une dizaines d'autres spécialistes.